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"Israël et la morale de la guerre" Analyses de Samy Cohen
samedi 26 juillet 2025
Rubrique : DONNÉES ET ANALYSES
L’indispensable analyse du drame épouvantable qui se déroule à Gaza doit nécessairement comprendre l’étude, située dans le temps, du rôle de l’armée israélienne ("Tsahal"), de l’idéologie de la guerre qui l’anime et de la perception de sa vocation et de ses agissements dans la société israélienne.
C’est ce à quoi s’emploie Samy Cohen, professeur de science politique à Sciences Po Paris, directeur de recherche au CERI (CEntre de Recherches Internationales), spécialiste de la société israélienne.
Il a publié en avril 2025 un ouvrage intitulé Tuer ou laisser vivre. Israël et la morale de guerre" (Flammarion). Ci-joint un fichier comprenant :
– la une et la quatre de couverture,
– la table des matières,
– des extraits de la conclusion.
Il vient de donner au Monde un entretien publié le 22 juillet 2025 sous le titre : "Dans l’action de l’armée israélienne à Gaza, il y a une dimension de vengeance".
Ci-attaché et (pour les abonnés) :
En voici des extraits.
Que vous évoquent les révélations du quotidien « Haaretz » sur les ordres donnés aux soldats de tirer sur les Palestiniens qui se pressent tous les jours pour l’aide humanitaire ?
Cela révèle un phénomène de fond observable dès le lendemain du 7-Octobre. L’état-major a laissé aux commandants d’unité, de division, de brigade et de bataillon une très grande latitude de décision concernant l’ouverture du feu. Jusque-là, les règles d’engagement étaient strictes et devaient être approuvées à un niveau assez élevé en cas de présence de civils à proximité des combats ennemis. Avant le 7-Octobre, si l’on devait détruire un immeuble d’habitation, il fallait obtenir au préalable l’autorisation du chef d’état-major de l’armée. Aujourd’hui, un commandant local peut demander un appui aérien et faire détruire tout un édifice s’il estime que ses forces sont menacées, sans en référer au plus haut niveau.
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Quelle est votre explication du nombre incroyablement élevde civils tués à Gaza depuis le 8 octobre 2023 ?
Il y a eu plusieurs types d’opérations et donc d’explications. Il y a d’abord le plan d’attaque initial de l’armée, la réplique immédiate de l’armée au 7-Octobre, qui a consisté à liquider le plus vite possible le maximum de chefs du Hamas et du Jihad islamique. Cela s’est traduit par des bombardements aériens massifs : lorsqu’une cible était localisée, tout le bâtiment était détruit, les combattants et leur famille avec. Opérer de cette manière a été une décision prise au plus haut niveau militaire et politique. C’était l’application d’un plan préparé de longue date, avec l’utilisation de l’intelligence artificielle pour localiser les cibles.
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Que la société israélienne voit-elle et sait-elle de ce qu’il se passe à Gaza ?
Pas grand-chose parce qu’il y a un refus de voir qui a été encouragé par les grandes chaînes de télévision. L’idée était qu’il ne fallait pas démoraliser la population ni créer de dissensions en temps de guerre. En décembre 2024, j’étais en Israël, j’ai interrogé beaucoup de gens modérés, de gauche, pas des extrémistes de droite. Beaucoup me disaient : le 7-Octobre, les Gazaouis ont dansé de joie dans la rue. Pourquoi devrais-je me soucier de leur vie ?
Mais, depuis quelques semaines, des voix émergent dans la société israélienne pour attirer l’attention sur le fait qu’il y a des choses intolérables qui sont en train de se produire. Il y a un éveil d’une conscience morale chez des étudiants, des intellectuels, des artistes, des politiques comme Yaïr Golan et Ehoud Olmert. Mais cela reste très limité.