Soutien à la flotille pour Gaza : Lettres à la médiatrice de Radio-France

Madame la Médiatrice,

Le billet de Sophia Aram du mardi 23 septembre dernier m’a profondément glacée, plus encore à la vue de l’enregistrement vidéo de ce moment d’antenne. La chroniqueuse ironisait sur la diversité des personnes qui ont pris place à bord de la « Global Sumud Flotilla ».

Nous sommes tous confrontés à l’horreur des opérations militaires israéliennes sur Gaza. Je cite par exemple ce témoignage de Boris Loumagne - avec Martin Troadec du 4 août dernier, d’autant plus précieux que depuis deux ans aucun journaliste international ne peut accéder au territoire bombardé :

« Franceinfo est montée à bord d’une rotation effectuée par l’armée française.
L’avion vole à environ 500 mètres d’altitude, une hauteur d’où l’on peut clairement observer les ruines qui jonchent le territoire palestinien, avec certains quartiers entièrement rasés. On peut également voir des camps de fortune, avec des tentes, mais peu de personnes et aucune voiture. Une installation qui traite l’eau semble à l’arrêt, avec des impacts de frappes tout autour. La plupart des bâtiments ont soit été détruits, soit été endommagés ». (extrait d’un article lu sur le site de France Info VIDEO. Aide humanitaire pour Gaza : au cœur d’un largage de palettes de denrées alimentaires par l’armée française).

Selon le Monde (16 septembre 2025) « la commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU considère, dans un rapport publié mardi 16 septembre, qu’Israël est en train de commettre un « génocide » à l’égard des Palestiniens dans le cadre de la guerre menée dans la bande de Gaza en riposte aux attaques terroristes du Hamas, le 7 octobre 2023. Le conflit a fait plus de 64 000 morts, d’après les autorités de l’enclave contrôlée par le mouvement islamiste, dont une large proportion de civils. »

A l’occasion de la reconnaissance par la France de l’Etat de Palestine le 22 septembre, le président de la République française appelait à la reprise de l’aide humanitaire. Sophia Aram l’ignorait -elle, comme elle semble ignorer les risques encourus par les membres de la flottille ?

« Depuis son départ de Barcelone, le 31 août, la Global Sumud Flotilla fait l’objet d’un traitement particulier, après une tentative en juin. Les autorités israéliennes ont menacé ses membres de les enfermer dans des prisons où l’usage systématique de la torture a été documenté par l’ONG B’Tselem. Certains de ses bateaux ont déjà fait l’objet d’attaques de drones alors qu’ils étaient amarrés en Tunisie. En 2010, les forces israéliennes avaient abattu neuf membres d’une flottille humanitaire à bord du Mavi-Marmara. » (Le Monde 25 septembre 2025).

La tragédie de Gaza appelle davantage de dignité.
Merci de m’avoir lue."

Je tiens à vous faire part de ma profonde consternation suite à la chronique de Sophia Aram diffusée le 24 septembre 2025 sur France Inter.

Sous couvert d’humour et de satire, cette intervention m’a semblé empreinte d’un mépris glaçant et d’une condescendance choquante à l’égard de celles et ceux qui, à travers le monde, réclament aujourd’hui la levée du blocus israélien sur Gaza. Cette revendication n’est ni marginale ni extrême : elle est portée par des ONG, des juristes, des journalistes, des organisations internationales, et des citoyen·ne·s sincèrement préoccupé·e·s par la situation humanitaire dramatique qui se déroule sous nos yeux.

La famine qui sévit actuellement dans la bande de Gaza est documentée, tout comme les destructions massives, les déplacements forcés, les coupures d’eau, d’électricité et de soins. Le mot "génocide" n’est pas utilisé à la légère : il a été évoqué par des experts indépendants, des juristes internationaux, et fait aujourd’hui l’objet d’enquêtes et de procédures. Ignorer ou tourner en dérision ces faits, ou ceux qui les dénoncent, revient à banaliser une tragédie humaine d’une ampleur inouïe.

Un jour, les frontières de Gaza s’ouvriront. Et ce que le monde découvrira alors risque de nous glacer le sang. Ce jour-là, il faudra assumer nos silences, nos aveuglements et peut-être, pour certain·e·s, nos mots. Car les mots ont un poids, surtout lorsqu’ils sont prononcés sur une antenne de service public, écoutée chaque matin par des millions de personnes.

Je ne remets pas en cause la liberté d’expression de Mme Aram, ni son droit à l’ironie. Mais je m’interroge sur la responsabilité éditoriale de France Inter lorsqu’elle relaie un discours qui semble ridiculiser des appels humanitaires légitimes et largement partagés. Dans un contexte aussi grave, j’aurais espéré plus de nuance, plus d’écoute, et surtout plus de respect.

Je vous remercie de prendre en considération cette réaction sincère, que je partage avec de nombreuses autres personnes profondément choquées par cette chronique.