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Race, classe et sciences sociales : poursuivre le débat. AOC, 6 octobre 2022
lundi 17 octobre 2022
Rubrique : DONNÉES ET ANALYSES
AOC (Analyse, Opinion, Critique) a publié le 6 octobre un article (ci-attaché) de Sylvain Pattieu titré :
Race, classe et sciences sociales : poursuivre le débat
https://aoc.media/analyse/2022/10/05/race-classe-et-sciences-sociales-poursuivre-le-debat/ (pour les abonnés)
Sylvain Pattieu, présenté comme "historien et écrivain", est l’auteur de Panthères et pirates. Des Afro-Américains entre lutte des classes et Black Power (La Découverte, 2022)
Dans cet article il exprime notamment son désaccord avec le point de vue soutenu dans l’ouvrage de Stéphane Beaud et Gérard Noiriel Race et Sciences Sociales. Essai sur les usages publics d’une catégorie (Ed. Agone, Collection Épreuves sociales, janvier 2021).
En voici un extrait :
Pourtant, on aurait tort de déduire de (l’)influence des mouvements noirs américains l’idée que la race, comprise comme une construction sociale et non comme une réalité biologique, est une question ancrée à la réalité nord-américaine, qui ne se poserait pas vraiment en France. C’est ce déni qu’on retrouve sous la plume de Stéphane Beaud et Gérard Noiriel dans leur dernier livre.
Ces chercheurs ont inspiré nombre d’universitaires de ma génération, jouant un rôle pionnier dans l’histoire et la sociologie des classes populaires et de l’immigration. Malheureusement, on ne peut s’empêcher en lisant Race et sciences sociales de penser que leurs convictions politiques ont pris le dessus sur leur travail de recherche, comme d’autres collègues historiens ont pu le souligner. Ils en arrivent ainsi à énoncer des contre-vérités sur des points que toute enquête empirique oblige à regarder en face : d’abord, l’histoire de la race n’est pas qu’une importation étatsunienne ou une ruse de la droite pour éviter la question sociale ; ensuite, la prééminence de la question sociale n’est pas mécaniquement remise en question par les luttes anti-racistes ou les revendications minoritaires ; enfin, la race ne se résume pas comme ils le prétendent à une question d’identité, elle implique des pratiques réelles qui structurent les expériences collectives et individuelles.
Si on se plonge dans les archives, pour explorer et retracer des vies concrètes, on perçoit combien les questions de classe et de race sont biographiquement entremêlées ; à quel point les phénomènes de racialisation existent en France comme dans la plupart des sociétés mondiales ; combien cette histoire de la race en France s’inscrit dans la longue durée et n’est pas une simple « mode » récente venue des États-Unis, comme osent l’affirmer Beaud et Noiriel.
Et en voici la conclusion :
On peut étudier les processus de racialisation sans fondre toutes les situations dans un magma homogène. Il est nécessaire de croiser empiriquement les échelles, de s’intéresser autant à la vie quotidienne des individus, à leurs interactions au travail, à l’école ou dans les loisirs, qu’aux logiques plus institutionnelles des acteurs publics et privés, ainsi qu’aux politiques publiques. C’est en variant les approches et en évitant les généralisations hâtives qu’on peut éclairer des processus sociaux complexes dont la race fait partie intégrante.